L'allégorie de la caverne
1/La situation des
prisonniers
Dans le livre 7 de la
République Socrate raconte à Glaucon la vie souterraine de
prisonniers enchaînés depuis leur enfance. Ils sont assis,
immobiles et ils contemplent sur la paroi devant eux des ombres
projetées par des montreurs de marionnettes. Platon écrit que « ces
prisonniers nous ressemblent » par conséquent cette allégorie
nous renvoie à notre propre existence. En quel sens sommes-nous
prisonniers ? Nous sommes tout d'abord prisonniers des
apparences sensibles. De même que les prisonniers de la caverne
interprètent les ombres défilant devant eux comme la réalité
véritable, de même nous confondons le monde tel qu'il nous apparaît
et le monde tel qu'il est. Or, on ne perçoit le monde sensible que
par l 'intermédiaire de notre corps et de nos sens et par
conséquent on n'a pas accès aux vérités immuables et éternelles
puisque le monde sensible est en devenir permanent. Ces ombres
représentent aussi nos opinions (doxa) qui sont fabriquées par des
« montreurs de marionnettes ». La manipulation de la doxa
permet d'obtenir le pouvoir de diriger les hommes. A l'époque de
Platon ces techniques de manipulation des apparences étaient
enseignées par les sophistes. Contre de l'argent, le sophiste
proposait l'enseignement de la rhétorique qui est l'art de discourir
et d'agencer les mots pour produire un effet passionnelle sur les
auditeurs. Inciter le peuple à faire la guerre, calmer les esprits,
obtenir les faveurs de quelqu'un, vaincre dans une discussion ou un
procès, voilà les promesses du sophiste. L'important ce n'est pas
de connaître la vérité, mais de paraître avoir raison. Le
philosophe recherche ce qu'est la justice afin d'être juste, alors
que le sophiste se contente de l'apparence de la justice. Comment
paraître juste même quand on est coupable ? Voilà l'idéal
sophistique dénoncé par Platon. Nous sommes donc prisonniers des
apparences sensibles et des opinions. Comment peut-on sortir de la
caverne aux illusions ?
2/ La conversion de l'âme
(periagôgè)
Pour Platon, la
libération ne se fait pas toute seule puisque non seulement le
prisonnier ne sait pas qu'il est prisonnier, mais en plus ses
illusions sont agréables. C'est la raison pour laquelle la médiation
d'autrui est nécessaire. On force donc le prisonnier à se lever, à
marcher et à regarder la lumière du feu. Il n'éprouve pas de
plaisir, la libération s'effectue dans la souffrance. Ce passage de
la passivité à l'activité du prisonnier symbolise l'opposition
entre l'opinion reçue passivement et l'activité de la raison. Le
prisonnier immobile est une image de la léthargie de l'âme de celui
qui ne pense pas et se complaît dans son ignorance. La vérité fait
souffrir puisqu'elle est une quête présupposant des efforts de
réflexion et aussi puisqu'elle mène à la destruction de nos
illusions. Nous avons en effet des illusions sur les autres, sur
nous-même et sur le monde. Ces illusions constituent une identité
illusoire et ainsi perdre ses illusions c'est perdre une partie de
soi même. Lorsque Socrate dialoguait avec les athéniens, il ne
jouait jamais le rôle de celui qui sait, il répétait constamment
« la seule chose que je sais c'est que je ne sais rien »
pour pouvoir interroger ceux qui prétendaient savoir. Lorsque les
réponses de son interlocuteur se contredisaient (elenkhos), il
arrivait à leur faire prendre conscience de leur ignorance. La vie
de Socrate trouve un écho dans l'allégorie de la caverne puisqu'on
libère le prisonnier « à force de question ». Ainsi, la
libération ne consiste pas à transmettre un savoir, mais à
éveiller dans notre âme le questionnement, l'étonnement
(thaumazein), la philo-sophia.
3/ La sortie (anabasis)
Lorsqu'on délivre le
prisonnier de la caverne, il est aveuglé par la lumière du Soleil.
Il devra donc contempler les reflets des astres dans l'eau avant de
pouvoir voir le Soleil. Le monde extérieur représente le monde
intelligible, le monde des Idées, il s'oppose au monde sensible de
la caverne. Alors que les apparences sensibles sont fugaces et
soumises au devenir, les Idées sont caractérisées par leur
éternité et leur perfection. L'Idée du Bien, de la Beauté ou de
la Justice ne sont pas transposables dans le monde sensible
imparfait, les hommes ne peuvent que tendre vers ces modèles
parfaits. C'est d'ailleurs l'aspiration de leur logos (raison) qui
,d'après le mythe d'Er, conserve la nostalgie de l'absolu et de la
perfection puisqu'il a jadis contemplé ces vérités éternelles.
Ainsi, apprendre c'est se ressouvenir. Cela présuppose donc que la
vérité n'est pas une construction humaine, elle préexiste à
l'homme, elle est une découverte, mieux, une redécouverte. Dans le
dialogue du Ménon, Socrate interroge un esclave ignorant en
mathématique et arrive à lui faire découvrir des vérités
mathématiques simplement en lui posant des questions. Pour Socrate
c'est une preuve qu'apprendre c'est se ressouvenir. Cependant, la
contemplation( theoria) de la vérité n'est pas immédiate, elle prend du
temps et réclame des efforts. Alors que le prisonnier libéré
voulait d'abord revenir en arrière dans ses illusions passées, on
peut constater que désormais il éprouve le plaisir de la
contemplation de la vérité. Pour Platon, La contemplation de la
vérité mène au bonheur véritable et contraste avec le bonheur
illusoire de la caverne.
TH
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